Séance du 16 novembre 2009
Le nom d’un personnage, c’est une sorte de façade officielle parfois plus ambiguë qu’il n’y paraît. Beaucoup de personnages intéressants, dans les nouvelles, sont bâtis sur le décalage entre l’identité sociale, simple « carte de visite », et l’identité réelle, profonde et cachée.
Pour mettre en évidence les ambiguïtés du rôle social joué par un personnage, on peut le présenter sous le spectre de la conversation de gens qui le connaissent plus ou moins bien. Cela donne du personnage une vision kaléidoscopique, des perceptions éclatées et divergentes.
On construira donc un récit à partir d’un nom propre, de ce qu’évoquent ses sonorités, par amplification autour du nom, par sa répétition en écho, dans des bribes de conversation par exemple. La narration doit créer une tension et aboutir à sa résolution, par exemple par le dévoilement d’une vérité cachée.
On choisira par exemple, pour créer son personnage, l’un des trois noms suivants :
- Emma Vimontiers
- Thomas Orgeville
- Claude Cressy
Après quelques mois passés en Angleterre, Thomas Orgeville s’apprêtait à revenir sur le territoire français. Le ferry arriva au Havre, puis son meilleur ami, Daniel, le conduisit en voiture jusqu’à son appartement. Rien n’avait changé depuis qu’il était parti en Angleterre pour enseigner le français dans un lycée à Londres. Mais ce que ne savait pas Thomas, c’est que Daniel lui avait réservé une surprise. En effet, il avait invité des anciens amis à Thomas qui étaient allés au collège ou au lycée avec lui. A l’époque, Thomas était « beau parleur » selon Marc, un ancien camarade de classe. Selon Mathilde, Thomas était timide. D’après William, Thomas avait le don pour savoir se faire entendre. Pendant toute la première partie de la soirée, tout s’était passé correctement. Mais au bout d’un moment, Daniel avait réservé à Thomas une enième surprise. En effet, Thomas ne reconnut pas aussitôt la jeune femme qui venait d’entrer dans son appartement. C’est alors que Marc lui annonça qu’il avait décidé d’inviter Marion, une amie de Thomas en classe de sixième. Ensuite, Thomas fut ravi puisqu’il put recouvrir des anciens souvenirs laissés à l’abandon. Mais il se sentait beaucoup moins à l’aise au fur et à mesure que la soirée avançait. Puis, Thomas comprit alors que les compliments que lui étaient adressés, n’étaient pas pour lui, mais pour un autre garçon qui s’appelle aussi Thomas et qui avait été également un de leurs camarades de classe en sixième. Thomas se sentit moins important dès lors, et depuis ce jour, se méfie à chaque fois qu’on lui attribue des mérites ou bien d’autres choses encore.
Elle pressa le bouton « play » de son lecteur, la chanson qu’elle avait laissée la veille résonna à nouveau dans ses écouteurs et elle grimaça. Emma Vimontiers changeait d’humeur très rapidement et ne se trouvait jamais dans un même état plus de quelques heures ; la chanson qui le soir précédent l’avait détendue n’accompagnait donc plus le rythme auquel elle vivait aujourd’hui. Elle pressa quelques fois un bouton de son appareil et trouva finalement un air qui lui convenait. Elle passa la porte en respirant l’air doux du matin cligna quelques fois des yeux pour les accoutumer au soleil. Laissant ses pieds la guider comme un pilote automatique, elle traversa la rue sans regarder et franchit les quelques coins de rue qui la séparaient de la station de métro. Sans porter grande attention où elle s’asseyait, elle prit place près d’une fenêtre. Elle éteint son lecteur et sourit de ce qu’elle s’apprêtait à faire. Elle choisit sa première victime. Trois ou quatre bancs plus loin se trouvait une jeune adolescente, ses yeux bougeaient extrêmement rapidement surveillant ses voisins et les gens en face d’elle, ce qui trahissait son manque d’assurance. Presque trop facile. Emma prit un air étonné et se mit à jeter des regards furtifs à la jeune fille, comme si elle hésitait à lui dire quelque chose. Après quelques secondes de ce petit manège, elle la fixa pendant environ quatre secondes puis finalement détourna les yeux. Pas plus d’une dizaine de secondes plus tard, la jeune fille sortit un miroir de son sac d’école et procéda frénétiquement à une inspection complète de sa personne. Gagné.
Emma Vimontiers n’était pas une de ces personnes qui connaissent tout sur tout mais le peu qu’elle connaissait, elle le maîtrisait parfaitement et ce qu’elle connaissait c’était les gens du métro. En un clin d’œil, elle pouvait cerner la personnalité d’un complet étranger et avec un peu de concentration, elle réussissait à déceler les insécurités et les ambitions de chacun. Son talent ne lui avait jamais vraiment servi à grand-chose mais elle aimait bien s’adonner à des petits jeux du genre pour le cultiver. Ce jour là, elle avait fait réagir au moins cinq personnes dans un trajet de métro d’approximativement quinze minutes, pas trop mal mais définitivement pas un record. Un jour, elle avait réussi à vider un wagon au complet. Elle croyait pouvoir maîtriser qui bon lui semblait dans ces tunnels, simplement parce qu’elle avait compris l’unique trait commun à tous les étrangers du métro : aucun d’eux ne veut être différent des autres. Et jusqu’à maintenant, personne ne l’avait détrompée.